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Channel: Le Seuil – Laure Limongi
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Le lac

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En cours d’écriture d’Anomalie des zones profondes du cerveau, je remarque une rémanence aquatique. Les eaux stagnantes du Guaíba de L’Île aux Fleurs, celles du Maici – le passage sur les Pirahãs qui s’est finalement déplacé dans le livre Ensuite, j’ai rêvé de papayes et de bananes –, L’Étrange créature du Lac Noir… Et je viens de voir la série Top of the Lake de Jane Camion qui se déroule dans un « paradis » grandiose, le lac Wakatipu, en Nouvelle Zélande, porteur de nombreuses légendes māories.

 

Top of the Lake

Top of the Lake

 

Je pense alors à ajouter un fil narratif, ce couple qui se retrouve au bord du Léman, dans le village de Publier. Je rassemble mes souvenirs du Léman et du village. Et je me rappelle du livre de Jean-Marie Gleize, qu’il m’avait offert en 1996, Léman. Je dois avouer ne pas l’avoir relu depuis le début des années 2000. Je me rends compte que j’en ai une idée assez floue. Saisissant le livre, je remarque un marque-page adhésif, un seul – alors qu’en général, quand je commence à jouer avec les marque-pages adhésifs, il y en a partout, conséquence, ça ne sert plus à rien… Il dépasse et tranche, rouge, sur le bleu-gris tranquille de la première de couverture. Ouvrant donc la page 135, mes yeux se portent naturellement vers le début d’un nouveau paragraphe qui se détache, annoncé par deux lignes sautées et encadré de blanc tournant :

 

« La maladie commence.

C’est en automne que la maladie commence.

Octobre. Elle commence. »

 

Ma respiration s’accélère. Allié à l’épuisement dans lequel je me trouvais à ce moment-là, j’ai une étrange impression de séance de spiritisme ou de Tarot trop pertinent. Pourquoi ai-je choisi cette page à la fin des années 1990 ?

 

En général, je conserve plutôt des phrases métapoétiques en les soulignant au crayon, ainsi : « de l’autre côté de la poésie » ou « des phrases qui disent ce qui est » ou « j’ai dit “prose” parce que le lac est sans fin » ou « tout aura lieu sans nous, “comme d’habitude”. La littérature sera cette tentative », « Je suis, comme toujours, comme pour toujours, hors des mots, criés, chantés, traduits d’une langue en elle-même, partout traduits, réduits jusqu’à la poussière, à la poussière d’os, le tout balancé dans le fleuve, dans la grosse veine gris et noir qui emporte ça », d’autres énoncés, doucement soulignés dans Léman d’un trait gris, effaçable, au fil du texte, sans pour autant avoir droit à un signe érectile…

 

Je repère aussi quelques commentaires, avec mon écriture de l’époque, plus ronde et appliquée : « voir Rimbaud », « 10/01/1998. Impression de bétail », « personnage d’enfant, cf. Sarraute ou Duras ? ».

 

Pourquoi avoir marqué d’un drapeau rouge la maladie automnale de la page 135 alors qu’à l’époque, je ne souffrais pas encore d’algie vasculaire de la face s’annonçant en octobre… Je sais bien qu’il s’agit d’une tout autre maladie dans Léman, d’un autre projet. Qu’il peut y avoir des centaines d’explications à ce marque-page. Mais ce signe est trop évident, trop parfait. La main qui en a décidé est la même qui écrit est la même qui a réalisé des centaines d’injection au corps qui la soutient, est la même qui caresse, est la même qui ouvre les portes, est la même qui prend en charge les mélodies au piano – en règle générale.


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